Un scénario pour l’avenir de l’Europe

Un scénario pour l’avenir de l’Europe

« L’intégration différentielle » ou si l’avenir de l’Union européenne prenait la forme de « Ceux qui veulent plus font plus » ?

Origine et principe de ce scénario

« L’intégration différentielle » désigne un mode d’intégration européenne où tous les Etats membres ne seront pas obligés de participer à toutes les politiques communes européennes, et où d’un autre côté, les Etats membres capables et volontaires pourront poursuivre des objectifs communs plus facilement. D’autres termes, tels que « l’Europe à géométrie variable » ou « l’Europe à deux vitesses », ont été utilisés pour décrire ce même concept.

Le terme a été inventé lors de l’élargissement de l’Union européenne à l’Est, parce que certaines personnalités politiques européennes craignaient que des élargissements trop ambitieux freinent l’approfondissement de la politique commune de l’Union européenne. Ce principe prévoyait un noyau de pays européens collaborant intensivement à certaines politiques communes, avec l’objectif que d’autres Etats rejoignent le noyau lorsqu’ils seraient prêts. Depuis, cette idée d’intégration différentielle a resurgi régulièrement.

Pourquoi maintenant ?

En mars 2017, la Commission européenne a publié un livre blanc sur l’avenir de l’Europe pour commémorer le traité de Rome signé 60 ans auparavant. Ce document présentait cinq scénarios pour l’avenir du projet européen, dont un intitulé « Ceux qui veulent plus font plus ». Dans ce scénario, « des coalitions de pays volontaires se dégagent pour collaborer » dans des domaines comme par exemple « la défense, la sécurité  intérieure, la fiscalité ou les affaires sociales ».

Ce scénario a été bien reçu par des personnalités politiques de premier plan, en particulier par les dirigeants français, italien, espagnol et allemand qui l’ont repris lors du sommet européen de Versailles cinq jours après sa publication. Depuis le référendum britannique et le choix du Brexit ce scénario a par ailleurs semblé adapté à la situation. Les dirigeants européens se sont rendu compte de l’importance d’accueillir les différents intérêts des Etats membres au sein de l’Union. Le départ souhaité de l’éternel eurosceptique Royaume-Uni a finalement donné une chance d’approfondir l’intégration européenne en utilisant ce scénario. Lors son discours à la conférence des ambassadeurs en août 2017, le président français Emmanuel Macron affirmait que « ce Brexit est arrivé parce que, pendant des années, nous n’avons plus osé proposer, nous n’avons même plus osé nous réunir dans le simple format de la zone euro, pour ne pas chagriner, qui les Britanniques, qui les Polonais. » D’où l’importance de « aller plus loin avec tous ceux qui souhaitent avancer, sans être entravé par les Etats qui désirent, et c’est leur droit, avancer moins vite ou moins loin ». Selon lui, l’Union européenne doit « sortir d’un cadre contraint où il faudrait avancer demain à 27, ou rien, à 19 ou rien. »

Cette vision du Président français resurgit en préparation des élections européennes, parmi les discussions sur l’avenir de l’Europe des différents partis européens et dans leurs programmes. Par exemple, le FDP, le parti libéral-démocrate allemand, défend le modèle proposé par Emmanuel Macron et signale ainsi la possible collaboration entre leur parti et le parti « LREM » au sein du Parlement européen.

Les arguments pour et contre

Pourquoi l’intégration différentielle parait-elle une alternative aussi séduisante pour les dirigeants européens ? Quels sont les désavantages de cette idée ?

L’argument principal en faveur de ce mode d’intégration est qu’elle reconnaît les besoins et priorités différentes des Etats membres. Il est donc probable qu’il rende l’Union européenne plus viable à long terme. De plus, l’intégration différentielle permettrait aux Etats membres qui visent une « union sans cesse plus étroite » entre les peuples européens comme le but ultime de l’Union européenne, d’avancer dans leur projet et de laisser les Etats membres qui ont d’autres idées pour l’Union européenne sur leur projet.

Les partisans de ce mode d’intégration notent également que l’Europe sous plusieurs formes existe déjà : tous les Etats membres n’ont pas l’Euro, tous les Etats membres ne font pas partie de l’accord de Schengen. De plus, un minimum de neuf Etats membres peut établir une coopération renforcée dans le cadre des traités européens. L’établissement de l’intégration différentielle reconnaîtrait cette réalité, la rendrait officielle, et étendrait la pratique de la coopération renforcée à plusieurs domaines.

Pour ses opposants, l’intégration différentielle risque de diviser les Etats membres en pays de premier et deuxième ordres. Ils craignent que ce mode d’intégration favorise les pays les plus grands et économiquement les plus puissants. Ce groupe d’Etats membres à l’initiative de telles collaborations établirait les règles à respecter, et ceux rejoignant plus tard devront « accepter » ces règles. A titre d’exemple, les Etats membres d’Europe Centrale seront obligés d’adopter l’euro dans le futur, mais ne peuvent pas encore participer aux négociations de la zone euro.

Une autre crainte est que l’Europe sous différentes formes soit probablement encore plus compliquée que l’Union européenne d’aujourd’hui et que le manque de transparence qui lui est souvent reproché soit amplifié.  Comment rester à la fois transparent et compréhensible pour les citoyens ?

Face au succès rencontré par cette proposition pour l’avenir de l’intégration européenne auprès des principaux dirigeants européens, on peut la considérer comme une véritable possibilité. Cependant, sa mise en œuvre serait une mission délicate et devrait rester fidèle aux valeurs fondamentales de l’Union européenne.

Rédacteur : CRIJ - Angela L.
Date création : 29/10/2018
Mots clés : intégration différentielle, l'avenir de l'Union européenne