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Mieux comprendre le CETA (Accord économique et commercial global entre l'UE et le Canada)
« Réglementation européenne »
Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, en français, AEGC – Accord économique et commercial global) est un traité international de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. C’est le premier accord commercial bilatéral de l’Union européenne avec une grande puissance économique.
Il vise à réduire les droits de douane entre l’Union européenne et le Canada mais également à aboutir à une convergence de certaines normes pour limiter ce que l’on appelle les « barrières non tarifaires » » auxquelles sont soumises les exportations européennes. Il traite également de la mise en place d’un cadre d’investissement stable et favorable aux entreprises européennes et canadiennes.
Les négociations du CETA ont débuté en mai 2009 lors du sommet UE-Canada de Prague, faisant suite à l’étude conjointement menée par la Commission européenne et le gouvernement canadien. C’est en septembre 2014 qu’ont été présentées les conclusions des négociations. En juillet 2016, la Commission européenne a adopté le texte du traité et a formellement proposé au Conseil de l’UE de le signer, chose faite le 30 octobre 2016. Le document final compte 2 344 pages.
Pourquoi un traité CETA ?
Le Canada est un partenaire commercial important de l’UE. Le volume des échanges de biens entre les deux partenaires s’élève à près de 60 milliards d’euros par ans. Il est également le quatrième investisseur étranger dans l’UE (plus de 142 milliards d’euros) et l’UE est le deuxième investisseur étranger au Canada (260 milliards d’euros). Le pays constitue par ailleurs une très importante réserve de ressources naturelles, énergétiques et de savoir-faire pour l’UE. Le traité bilatéral de libre-échange assure donc l’accès à des marchés économiques d’envergure pour les deux partenaires. Pour la Commission européenne, le CETA est étroitement lié à la volonté de stimuler la croissance européenne en renforçant la compétitivité des entreprises et en leur permettant de s’ouvrir à des marchés dynamiques et équitables. La Commission européenne estime que le CETA devrait accroître de 25% les échanges commerciaux UE-Canada et entraînerait une augmentation du PIB de l’UE de 12 milliards d’euros par an. Les études économiques soutenant le CETA estiment que pour chaque milliard d’euro investi par l’UE, 14 000 emplois seraient soutenus.
Les priorités du traité
- Réduire de près de 99% les barrières d’importations. Le CETA éliminerait les droits de douane rapidement – la suppression complète est prévue pour sept ans après l’application du traité – pour une économie attendue de près de 600 millions d’euros par an. Cette mesure s’appliquerait à la quasi-totalité des secteurs d’activité ; l’agriculture maintiendrait des exceptions, mais 92% des biens agricoles seraient concernés.
- Permettre aux entreprises canadiennes et européennes de participer aux marchés publics, de services et d’investissements de l’autre partenaire. Chaque année, le gouvernement canadien achète 30 millions d’euro de biens et de services à des entreprises privées. Les appels d’offres de ce marché public seraient dès lors ouverts aux entreprises européennes.
- Renforcer la coopération entre le Canada et l’UE en termes de normalisation et de régulation. Le CETA installe un cadre pour multiplier les reconnaissances d’équivalence des normes (par exemple, une entreprise européenne pourra faire certifier la conformité de ses produits une seule fois, en Europe, même si elle souhaite les exporter au Canada, car les canadiens auront reconnu ces normes européennes).
Ce que craignent les européens
Les tribunaux d’arbitrage « de la discorde »
Centre des critiques, les tribunaux d’arbitrage permettent qu’une entreprise puisse poursuivre un Etat en justice devant un tribunal arbitral, donc privé, si celui-ci vote une loi qui réduit ses profits de façon discriminante (contre les principes du traité). La mise en place de ces tribunaux, prévue dans le traité, était très critiquée, car elle pouvait favoriser les intérêts des grands lobbies industriels et limiter l’autonomie des Etats.
Pour répondre à ce problème, un panel de juges « permanents » nommé pour des mandats de cinq à dix ans (issus à parts égales du Canada, de l’UE et de pays tiers) sera mis en place.
Les services publics : seront-ils menacés ?
Le traité prévoit que les entreprises soient traitées d’une façon juste et équitable, non discriminées en raison de leur nationalité et protégées contre toute expropriation. La question qui se pose : où se situera la limite entre la liberté des Etats à développer ses politiques publiques (ex. un paquet de cigarettes neutre…) et le droit des entreprises ? Pour éclaircir cela, le CETA introduit des clauses qui donnent aux Etats le droit de mettre en place des politiques d’intérêt public « légitimes » comme ils le souhaitent en matière de protection de la santé publique, sécurité, environnement, moralité publique, protection sociale, protection des consommateurs, protection de la diversité culturelle…
Le CETA : un TAFTA « déguisé » ?
Une autre crainte est que les entreprises américaines utilisent le CETA pour pouvoir « attaquer » les Etats européens s’ils agissent contre leurs intérêts, ce que l’on appelle « chandalage des traités ». Pour éviter que des entreprises américaines ou autres créent des filières « écran » au Canada pour pouvoir profiter des avantages du CETA, ces entreprises devront être des filiales d’une entreprise canadienne ou avoir des « activités commerciales substantielles » au Canada.
Le climat : un pas en arrière?
Même si les politiques environnementales ne pourront pas être contestées en elles-mêmes, les Etats pourront l’être si ces politiques sont discriminatoires à l’égard d’une entreprise, ou violent des engagements précédents. Un flou qui « fait peur » au regard des avancées de la COP 21.
Des conséquences sur l’agriculture ?
En matière agricole, les quotas de produits autorisés à entrer dans l’UE sans droits de douane provenant du Canada vont augmenter (bœuf, porc, blé tendre, maïs doux). La concurrence résultant de cette augmentation inquiète les producteurs européens. Pour les rassurer, l’UE assure que ces quotas ne représentent qu’une très faible proportion de la production européenne annuelle (0,6% pour le bœuf) et qu’ils seront appliqués par paliers sur une période de transition de 7 ans. En contrepartie, l’Europe a obtenu l’augmentation de son quota d’exportation de fromages vers le Canada sans droits de douane, de 2 950 à 18 500 tonnes par an. Par ailleurs, en cas de soudain « déséquilibrage du marché d’un produit agricole », l’Union pourra toujours activer une clause de sauvegarde pour réduire temporairement les quotas canadiens.
Un autre sujet de discorde est la crainte que cette hausse des quotas canadiens du bœuf et du porc puisse permettre l’entrée dans l’UE de viandes génétiquement modifiées ou nourries aux hormones. Mais « toutes les importations canadiennes devront toujours se conformer aux normes européennes », et les producteurs canadiens de bœuf devront construire une ligne de production sans hormones pour exporter leur viande en Europe.
Les prochaines étapes : ratification et entrée en vigueur
Après avoir été signé le 30 octobre par le ministre canadien, Justin Trudeau et le président du Conseil européen, Donal Tusk, le traité devra être ratifié début 2017 par le Parlement européen (à la majorité simple) et ensuite par les 38 parlements nationaux et régionaux. Ce processus prendra encore quelques années, avant de rentrer pleinement en vigueur. Toutefois, dès sa validation par le Parlement européen, le traité sera appliqué partiellement.
Sources et plus d’information :
- Le dossier CETA sur Toute l’Europe
- Le CETA sur le site de la DG Commerce
- Article du journal Le Monde « Au cœur du CETA »
- Le texte de l’accord
Rédacteur : CRIJ - Angela L.
Date création : 07/12/2016
Mots clés : canada, CETA, traité, UE