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L'UE veut privatiser la SNCF ! Vraiment ?
Source : Les décodeurs de l’Europe
L’ouverture à la concurrence des services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs, prévue par le droit européen, n’est aucunement synonyme de privatisation de la SNCF.
Elle doit permettre à d’autres entreprises ferroviaires de transporter des voyageurs sur le réseau français, de même que la SNCF peut déjà transporter des voyageurs sur le réseau de certains autres pays européens. C’est la base du marché unique européen : permettre à toutes les entreprises européennes de bénéficier de toutes les opportunités du grand marché commun.
Cette ouverture se fait au bénéficie des usagers (augmentation et diversité de l’offre) et devrait favoriser le développement du ferroviaire relativement à d’autres modes de transport plus polluants. Elle se concilie parfaitement avec l’idée du service public, dont les caractéristiques resteront définies par les régions françaises (TER par exemple) ou par l’État (Intercités par exemple). Seulement, plutôt que d’être automatiquement confiés à SNCF Mobilités, ces services publics seront attribués aux entreprises ferroviaires ayant soumis la meilleure offre au meilleur prix.
L’UE n’a jamais exigé la privatisation de la SNCF
Au contraire, il est inscrit spécifiquement dans le droit européen que le régime de la propriété dans les États membres (article 345 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) n’est pas une question pour l’UE. Le capital d’un opérateur de transport ferroviaire – celui qui fournit le service de transport, comme aujourd’hui SNCF Mobilités en France – peut donc être détenu à 100% par un État membre sans que cela ne soit considéré comme problématique au regard de l’objectif de développement de la concurrence. C’est le cas par exemple de la Deutsche Bahn, société anonyme dont le capital est détenu à 100% par l’État fédéral allemand, alors même que l’Allemagne a commencé à ouvrir son marché national à la concurrence à partir de 1994.
L’UE favorise le développement de la concurrence au profit des usagers…
Le fret et le transport international de voyageurs (Eurostar, Thalys, Thello) sont déjà ouverts à la concurrence depuis plusieurs années. Le droit européen prévoit aujourd’hui l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. Dans les Etats membres qui l’ont déjà mise en œuvre, cette réforme s’est accompagnée d’une hausse sensible de l’attractivité des services (hausse de la fréquentation de 77% en Allemagne depuis le début de l’ouverture sur les lignes régionales, et de 200% en Suède entre 2001 et 2010), d’un accroissement de l’offre (+90% sur la liaison Prague-Ostrava en République tchèque par exemple) et d’une amélioration quantitative et qualitative des services offerts (ponctualité, qualité du parc de matériel roulant, nouveaux services de restauration à bord ou disponibilité du Wi-Fi ).
Cette ouverture représente également une opportunité pour la SNCF qui intervient d’ailleurs déjà via ses filiales sur les marchés allemand, néerlandais ou britannique. Avec la généralisation de l’ouverture à l’ensemble des Etats membres, c’est autant de marchés européens sur lesquels la SNCF pourra se positionner.
… et organise la gouvernance du système ferroviaire en protégeant les services publics
On distingue la gestion et le développement de l’infrastructure (le réseau ferroviaire) d’une part, de la fourniture de services de transports d’autre part (les opérateurs). S’agissant de l’infrastructure, le droit européen pose le principe d’un droit d’accès au réseau ferroviaire à compter du 1e janvier 2019. Cela signifie en pratique que SNCF Réseau devra être en mesure de traiter de façon équitable et non discriminatoire toute demande d’un opérateur souhaitant fournir des services commerciaux de transport sur les voies ferrées françaises, qu’il s’agisse de l’opérateur historique, SNCF Mobilités, ou d’un nouvel entrant. Ces services devraient typiquement concerner les lignes à grande vitesse, où la rentabilité est a priori la plus forte. Les exemples européens, notamment en Italie, montrent que l’ouverture de marché a pu conduire à une pression importante à la baisse des prix sur ces lignes.
De très nombreuses lignes régionales ou inter-régionales font toutefois l’objet d’un service conventionné : ces lignes sont en effet, dans leur très grande majorité, non rentables. La règlementation européenne prévoit la possibilité d’un soutien public approprié afin de maintenir un service au bénéfice des usagers. C’est alors la région – parfois l’Etat – qui établit un cahier des charges précisant notamment les liaisons attendues, leur fréquence et la qualité de service souhaitée (ponctualité, services à bord, etc.). Pour ce type de services, l’ouverture à la concurrence implique de généraliser – avec certaines exceptions limitées – le recours à des appels d’offres, grâce auxquels la région pourra sélectionner la meilleure offre au meilleur prix pour le service considéré. Les coûts des services conventionnés sont couverts pour partie par les recettes tirées de titres de transports achetés par les usagers et pour partie par une contribution de la collectivité, et la répartition entre les deux est décidée par la région – ou l’Etat selon les cas.
Ce sont bien ainsi les pouvoirs publics qui restent en charge de la définition du besoin, mais les opérateurs doivent s’efforcer d’effectuer leurs services de manière plus efficiente (baisse des coûts de production pour un même niveau de production) pour remporter le marché.
Les régions disposent toutefois de la possibilité, jusqu’au 25 décembre 2023, d’attribuer un contrat de service public après négociation en gré à gré pour une période maximale de 10 ans. Au-delà du 25 décembre 2023, la passation de contrat en gré à gré restera possible mais seulement dans certains cas, par exemple lorsque la taille du contrat est inférieure à certaines limites.
Rédacteur : CRIJ - Angela L.
Date création : 06/06/2018