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Les valeurs européennes, sanctions et élections
Les élections européennes de 2019 sont présentées actuellement comme une lutte des forces nationalistes, populistes et eurosceptiques contre l’intérêt commun européen et « les valeurs européennes ». Preuve en est le discours sur le futur de l’Europe prononcé au Parlement européen, par le Premier Ministre grec Alexis Tsipras déclarant : ‘‘Les élections européennes de mai 2019 seront plus importantes que la plupart des batailles électorales. Ce sera une bataille pour des valeurs et des principes. Dans cette bataille, toutes les forces progressistes, démocrates et pro-européennes ont le devoir d’être unies. Nous ne devons pas laisser l’Europe faire un bond dans le passé’’, a-t-il conclu.
Quelles sont ces valeurs européennes ? Sont-elles vraiment mises en cause, et comment réagit l’Union européenne face à ces défis ?
Des valeurs communes dans les traités
Les valeurs de l’Union européenne sont inscrites dans le traité de Lisbonne et la Charte des Droits fondamentaux de l’UE. Elles incluent la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit et les droits de l’homme.
On peut aussi identifier les valeurs les plus importantes de l’Union en examinant les critères de Copenhague, c’est-à-dire les conditions qu’un Etat doit remplir pour adhérer à l’Union européenne. Ces conditions ont été formulées en 1993 pour définir le processus d’adhésion des pays d’Europe centrale et des pays baltes. Avant 1993, il n’y avait pas de critères établis pour l’adhésion. Ces critères sont :
- La présence d’institutions stables garantissant la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection.
- Une économie de marché viable et la capacité à faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’UE.
- L’aptitude à assumer les obligations découlant de l’adhésion, notamment la capacité à mettre en œuvre avec efficacité les règles, les normes et les politiques qui forment le corpus législatif de l’UE (l’acquis) et à souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire.
Des valeurs mises en causes : les exemples hongrois et polonais
Actuellement, ces valeurs font l’objet de nombreux débats au sein des institutions européennes. L’article 7 du traité de Lisbonne décrit la procédure de sanctions que l’on peut déclencher s’il existe un « risque clair de violation grave » des valeurs fondatrices européennes. Au cours de l’année dernière, elle a été déclenchée deux fois : en décembre 2017 par la Commission européenne à l’égard de la Pologne et le 12 septembre dernier, par le Parlement européen vis-à-vis de la Hongrie.
Dans le cas de la Hongrie, les députés européens sont surtout préoccupés par l’indépendance de la justice, la liberté d’expression, la corruption, le droit des minorités et la situation des migrants et des réfugiés. L’état de droit est également le problème central dans le cas de la Pologne, où, selon la Commission, une réforme de la Cour suprême a compromis l’indépendance du pouvoir judiciaire.
L’article 7 est donc fondé sur le principe qu’une communauté démocratique peut définir ces propres valeurs et justifier l’exclusion des membres qui ne suivent pas les règles communément reconnues. Les Etats membres ont volontairement décidé de rejoindre l’Union européenne en connaissant ces valeurs.
Même si l’action de l’Union européenne envers la Pologne et la Hongrie vise principalement à sauvegarder la démocratie dans ces deux Etats, d’autres interprétations et accusations masquent cet aspect du problème. En effet, Viktor Orban a déclaré l’action de l’UE comme une tentative de limiter la souveraineté de son pays et comme une punition pour l’opposition de ces deux pays à la politique migratoire de l’Union européenne. Pour les institutions européennes, la crise migratoire a augmenté les tensions entre les Etats membres, mais n’est pas la raison première du déclenchement de l’article 7. (Un rapport du Parlement européen cite 69 préoccupations sur la situation en Hongrie dont seuls 10 sont liés aux migrants.) C’est bien le non-respect des valeurs européennes par cet Etat qui sont visées.
Les enjeux sont élevés, car l’existence de forces anti-démocratiques dans l’Union européenne pourrait gâcher la promesse du projet européen. Le déclenchement de l’article 7 dans ces circonstances n’est donc pas étonnant.
Les sanctions
L’article 7 est considéré comme « l’option nucléaire » de Bruxelles, car il peut ultimement enlever le droit de vote d’un Etat membre dans les institutions européennes. C’est pourquoi la procédure pour arriver à ce point est longue et complexe. La prochaine étape sera un vote au Conseil de l’Union européenne (les 28 gouvernements) où une majorité de quatre cinquièmes doit constater l’existence d’un risque de violation des valeurs fondamentales européennes. Ensuite, la situation du pays est surveillée. Si la situation n’évolue toujours pas, c’est le Conseil européen (chefs d’Etats) qui en dernier lieu prendra la décision à l’unanimité (bien sûr, l’Etat concerné est exclu de ce vote, mais il est clair qu’il pourra bénéficier du soutien d’un autre). Aussi, l’alternative des sanctions paraît peu probable. Mais ceux frustrés par l’impuissance des institutions européennes peuvent espérer qu’à travers le prochain budget de l’Union européenne la Pologne et la Hongrie soient encouragées à tempérer leur politique.
Les élections de 2019 – nationalistes contre europhiles ?
Au sein du Parlement européen, les partis gouvernants de la Hongrie et de la Pologne sont alliés avec des groupes eurosceptiques, populistes et d’extrême droite. Les europhiles craignent donc qu’ensemble, ces groupes deviennent une minorité de nuisance considérable ou même majoritaire.
Toutefois, on voit que les institutions européennes ont réagi d’une façon assez forte, et à l’avenir, des mécanismes plus forts de protection de la démocratie seront proposés. Et ces mêmes élections européennes sont aussi l’opportunité de mettre en avant les valeurs fondatrices de l’Union.
Rédacteur : CRIJ - Angela L.
Date création : 05/10/2018
Mots clés : élections européennes 2019, hongrie, Parlement européen, pologne, traité de lisbonne, valeurs européennes